La libertĂ© des uns sâarrĂȘte lĂ oĂč commence celle des autres. » proverbeJâai toujours pris cette sentence pour acquise, sans vraiment me pencher dessus, la soupeser ou la visualiser. Je lâentendais, comme une ritournelle, depuis petit, Ă chaque fois quâon devait brimer ma libertĂ© ou celle des autres. Pourquoi et comment ma libertĂ© doit-elle sâarrĂȘter lĂ oĂč commence celle de lâautre ? Existe-t-il des frontiĂšres entre les libertĂ©s ? Les libertĂ©s sont-elles des propriĂ©tĂ©s strictement privĂ©es, dĂ©limitĂ©es, dont on ne peut sortir » sans empiĂ©ter sur le terrain de lâautre ? Sont-elles, par consĂ©quent, des prisons aux clĂŽtures invisibles ? Ne puis-je pas cheminer, librement, dans un espace public sans craindre de marcher sur les plates-bandes de quelquâun ? Existe-t-il une sorte de marquage de territoire », comme dans le rĂšgne animal ? Et si ma libertĂ©, comme dit le dicton, sâarrĂȘte » Ă une certaine limite, que dois-je faire ? Du surplace ou rebrousser chemin ? Et si je choisis de mâarrĂȘter Ă la limite, dois-je passer le flambeau de la libertĂ© Ă cet autre » qui cheminera avec pour le passer Ă son tour Ă un autre une fois sa limite atteinte, et ainsi de suite ? Et qui nous dit que la libertĂ© est linĂ©aire ? Ou unidimensionnelle ? Quâest-ce Ă dire, la libertĂ© des uns sâarrĂȘte lĂ oĂč commence celle des autres » ? Est-ce Ă dire que ma libertĂ© prend fin dĂšs que lâautre commence » Ă ĂȘtre libre ? Quâil nâĂ©tait pas libre avant? Quâil mâa fallu lui passer la main? Que je ne suis plus libre aprĂšs ? Les libertĂ©s doivent-elles nĂ©cessairement se rencontrer ? Se confronter? Entrer en collision ? EmpiĂ©ter les unes sur les autres ? Ne peuvent-elles pas rouler en parallĂšle ? Comme les automobiles sur une autoroute Ă plusieurs voies ? Si jâexerce ma libertĂ© de penser, ou de chanter, ou dâĂ©crire, ou de dessiner, pourquoi faut-il que cet exercice soit circonscrit dans des limites spatiales ? En quoi mon prochain peut-il ĂȘtre dĂ©rangĂ© ou se sentir envahi si je pense, ou je chante, ou je danse dans mon univers parallĂšle », dans mon monde Ă moi, tant que je ne lui cause aucune nuisance, ni sonore, ni visuelle, ni olfactive, nos univers Ă©tant distants et disjoints ? Ă lui son monde, Ă moi le mien ; Ă lui ses goĂ»ts, Ă moi les miens ; Ă lui ses valeurs, Ă moi les miennes ; Ă lui ses limites, sâil le veut, et Ă moi mes illimitations, qui ne sauraient lui crĂ©er la moindre entrave, puisque chacun Ă©volue dans son univers. Il nâa pas Ă venir coller son oreille Ă ma porte » pour entendre ce que je dis et sâen offusquer, ni moi de mon cĂŽtĂ©. Rien ne devrait arrĂȘter ma libertĂ© car devant moi, il nây a pas les autres il y a ma libertĂ©. Les autres sont Ă cĂŽtĂ©, dans leur voie de circulation, dans leur direction, vers leur destination. Ă chacun sa dimension. Ă chacun son univers, son royaume ou son enfer ! Ma libertĂ© ne finit pas au seuil de celle dâautrui, tout comme la libertĂ© dâautrui ne commence pas Ă la fin de la mienne. Aucune libertĂ© ne devrait marquer le dĂ©but ou la fin dâune autre. Ce ne sont pas des bouts Ă joindre. Ce nâest pas une course de relais. Ce nâest pas une exploitation agricole. Ă toi ton enclos, Ă moi le mien. Tu tâarrĂȘtes lĂ oĂč ma propriĂ©tĂ© un tout autre schĂšme, un tout autre paradigme. Câest un multivers », qui nâa ni limites ni frontiĂšres, qui se situe en dehors de lâespace-temps. Laissez-moi nager, voyager, voltiger dans ma galaxie ». Jouer ma musique, dessiner mes formes, chanter, rĂȘver, danser, tournoyer, farandoler avec mes anges ou mes dĂ©mons ! Et si je me perds dans le vide, câest ma perdition, pas la vĂŽtre ! Vous, vous ne risquez rien. Et je ne vous ai pas demandĂ© de me rejoindre ! Mais laissez ceux qui aiment mon spectacle astral emprunter ma Voie lactĂ©e ! Elle ne peut croiser la vĂŽtre ! Câest une voie alternative ! Les textes publiĂ©s dans le cadre de la rubrique courrier » nâengagent que leurs auteurs et ne reflĂštent pas nĂ©cessairement le point de vue de LâOrient-Le Jour. La libertĂ© des uns sâarrĂȘte lĂ oĂč commence celle des autres. » proverbeJâai toujours pris cette sentence pour acquise, sans vraiment me pencher dessus, la soupeser ou la visualiser. Je lâentendais, comme une ritournelle, depuis petit, Ă chaque fois quâon devait brimer ma libertĂ© ou celle des autres. Pourquoi et comment ma libertĂ© doit-elle sâarrĂȘter lĂ oĂč...
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On peut d'abord souligner une Ă©vidence de la libertĂ© chacun fait l'expĂ©rience de sa propre libertĂ©. Pourtant, il est difficile de dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment cette libertĂ©. S'agit-il d'un pur exercice du choix, ou bien de choix rĂ©alisĂ©s en connaissance de cause ? Par ailleurs, dans de nombreux cas, l'homme se croit libre alors qu'il est dĂ©terminĂ© par des causes qu'il ignore la libertĂ© peut-elle ĂȘtre illusoire ? Enfin, l'homme vivant en collectivitĂ©, il est possible de se demander si la libertĂ© n'est pas de fait toujours restreinte par l'existence des lois. ILa libertĂ© humaine et ses limites ADĂ©finition de la libertĂ© humaine Ătymologiquement, l'homme libre s'oppose au serf, Ă l'esclave. L'homme libre, c'est celui qui dispose librement de sa personne et de ses biens. Il faut distinguer diffĂ©rents niveaux pour penser la libertĂ© Le niveau physique c'est la libertĂ© comprise comme absence de contrainte physique. Le niveau moral c'est la libertĂ© comprise dans un contexte politique et social. Le niveau mĂ©taphysique c'est la libertĂ© comme exercice de la volontĂ© et capacitĂ© d'ĂȘtre auteur de ses choix. Souvent, on assimile la libertĂ© Ă la possibilitĂ© de faire tout ce que l'on veut sans limite naturelle ou conventionnelle. Ainsi, ĂȘtre libre signifie ne pas ĂȘtre soumis Ă une volontĂ© autre, ni Ă une contrainte extĂ©rieure. L'esclave n'est pas libre, car tout ce qu'il peut faire dĂ©pend de la volontĂ© de son libertĂ© reposerait alors sur l'idĂ©e de ne pas ĂȘtre empĂȘchĂ© de faire quelque chose, de ne pas ĂȘtre entravĂ© dans sa libertĂ© de mouvement, dans la rĂ©alisation d'une action. C'est ainsi que la dĂ©finit Thomas Hobbes dans le le sens propre et gĂ©nĂ©ralement admis du mot, un HOMME LIBRE est celui qui, s'agissant des choses que sa force et son intelligence lui permettent de faire, n'est pas empĂȘchĂ© de faire celles qu'il a la volontĂ© de Paris, Ă©d. Gallimard, GĂ©rard Mairet 2000Pour Hobbes, la libertĂ© est donc l'absence d'obstacle Ă la rĂ©alisation de ce que la force et l'intelligence d'un individu peuvent rĂ©aliser. Autrement dit, la libertĂ© correspond au fait de ne pas ĂȘtre empĂȘchĂ© de faire une chose que l'on a le pouvoir de faire. Pour Hobbes, la libertĂ© n'est que la libertĂ© de mouvement. BLes obstacles Ă l'idĂ©e de libertĂ© 1Le dĂ©terminisme DĂ©terminisme Le dĂ©terminisme au sens ordinaire est une conception selon laquelle tout arrive en vertu d'une chaĂźne de causes et d'effets. Les mĂȘmes causes produisent toujours les mĂȘmes effets. Le plus souvent, le dĂ©terminisme dĂ©signe ainsi la causalitĂ© naturelle, bien rĂ©sumĂ©e par l'adage les chiens ne font pas des chats ». La reproduction du vivant est en effet la principale manifestation de la nature causale de ce dernier. Pour la science, le dĂ©terminisme repose sur l'affirmation que tous les phĂ©nomĂšnes naturels sont rĂ©gis par des lois "nĂ©cessaires", au sens oĂč elles traduisent l'ensemble des contraintes naturelles. Si l'eau est chauffĂ©e Ă 99,98 °C, elle entre en Ă©bullition. Cette loi est nĂ©cessaire chaque fois que de l'eau est chauffĂ©e Ă 99,98 °C, elle toute rigueur, ainsi que le souligne Auguste Comte, l'eau bout du fait que cette loi est "nĂ©cessaire" ou du moins constante dans la nature. La cause proprement dite de l'Ă©bullition de l'eau n'est pas la loi physique, mais le faut ainsi distinguer entre cause et loi. Le dĂ©terminisme scientifique est ainsi liĂ© Ă la prĂ©sence des lois. Il n'a pas nĂ©cessairement un caractĂšre causal. Mais le dĂ©terminisme peut aussi ĂȘtre social ou psychologique. Dans ce cas, il s'oppose Ă la libertĂ©. En effet, si l'homme est soumis au dĂ©terminisme, cela veut dire que ses actions ne sont que les effets de causes dont il est le plus souvent inconscient. Pour le philosophe Karl Marx, la pensĂ©e de chacun est dĂ©terminĂ©e par les "conditions matĂ©rielles d'existence", c'est-Ă -dire la sociĂ©tĂ© dans laquelle il vit. Pour Sigmund Freud, la pensĂ©e est dĂ©terminĂ©e par l'inconscient qui rĂ©sulte par exemple, sous l'effet du refoulement, de troubles connus durant l'enfance. Si l'on envisage ce type de dĂ©terminisme, l'homme n'est donc plus maĂźtre de ses pensĂ©es et de ses actions il est moins libre. Cependant, il ne faut pas en rester au constat de l'existence de ces dĂ©terminismes. Au contraire, l'homme doit les connaĂźtre afin de les prendre en compte dans son action. La cure psychanalytique consiste Ă prendre conscience des dĂ©terminismes liĂ©s aux pulsions de l'individu, c'est-Ă -dire Ă ses instincts, transformĂ©s par le refoulement. Ce travail permet une meilleure connaissance de soi, ce qui a pour consĂ©quence une meilleure maĂźtrise de soi et donc une plus grande le dĂ©terminisme, s'il restreint la libertĂ©, ne s'y oppose donc pas nĂ©cessairement il lui donne un cadre, par exemple les lois de la nature, et des limites. 2Le fatalisme Un autre courant de pensĂ©e qui peut s'opposer Ă la libertĂ© est le fatalisme. Fatalisme Le fatalisme est la croyance selon laquelle tous les Ă©vĂ©nements sont dĂ©terminĂ©s Ă l'avance c'est ce qu'on appelle le "destin".Croire au destin, c'est croire au fait que tous les Ă©vĂ©nements sont "Ă©crits" Ă l'avance. On parle ainsi du "grand livre" du destin. C'est une croyance que l'on retrouve en particulier dans l'AntiquitĂ© grecque l'homme ne peut Ă©chapper Ă son destin, malgrĂ© tous ses efforts pour changer sa destinĂ©e. La libertĂ© n'est alors qu'une illusion, car l'homme est en fait le jouet des dieux. L'histoire d'Ćdipe, dans la tragĂ©die de Sophocle, illustre bien le fatalisme. Alors que l'oracle a prĂ©dit Ă Ćdipe qu'il tuerait son pĂšre et Ă©pouserait sa mĂšre, celui-ci met tout en Ćuvre pour Ă©chapper Ă son destin. Mais toutes ces tentatives pour changer sa destinĂ©e ne font que prĂ©cipiter la rĂ©alisation de la prophĂ©tie de l' cette perspective, l'existence humaine est tragique. La question que pose cette idĂ©e de destin est de savoir si l'homme doit se rĂ©signer Ă tout accepter, et n'avoir aucun pouvoir sur sa vie. Croire au destin, c'est croire au fait que tous les Ă©vĂ©nements sont "Ă©crits" Ă l'avance. C'est le risque de "l'argument paresseux" attribuĂ© Ă tort aux stoĂŻciens puisque tout est Ă©crit, il ne sert Ă rien d'agir. 3Prendre conscience des dĂ©terminismes On peut alors penser une autre forme de libertĂ©, consciente des dĂ©terminismes et caractĂ©risĂ©e par une recherche d'adhĂ©sion avec soi-mĂȘme. En effet, une fois l'existence des dĂ©terminismes mise en Ă©vidence, il n'est plus possible pour l'homme de penser que la libertĂ© consiste Ă faire ce que l'on veut. C'est ce que souligne le philosophe Baruch Spinoza dans l'Ăthique. Il explique que cette idĂ©e de la libertĂ© est une illusion l'homme se croit libre car il ignore les causes qui le dĂ©terminent dans ses actions et ses dĂ©sirs. Par contre l'homme peut s'efforcer, en fonction de son dĂ©sir, d'ĂȘtre toujours plus indĂ©pendant, de maniĂšre Ă moins subir les causes extĂ©rieures. Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par oĂč ils sont Ethica, trad. Bernard Pautrat, Paris, Ă©d. Seuil, coll. "Points" 2010La conception commune de la libertĂ© selon laquelle l'homme est libre de faire ce qu'il veut est erronĂ©e. C'est une conception illusoire de la libertĂ© elle marque l'ignorance des causes qui dĂ©terminent un sujet Ă agir. Spinoza illustre cette idĂ©e par l'image de la pierre si une pierre qui tombe avait une conscience, elle se croirait libre de faire cette action. L'homme est comme une pierre qui tombe il se croit libre uniquement parce qu'il a conscience de son mouvement, sans avoir conscience des causes qui le poussent Ă suivre un tel mouvement. C'est pourquoi Spinoza Ă©nonce que "l'homme n'est pas un empire dans un empire" l'homme appartient Ă la nature et il ne peut pas s'extraire de cet ordre. NĂ©anmoins, pour acquĂ©rir une libertĂ© effective, l'homme doit comprendre ce qui dĂ©termine un sujet Ă agir. Il faut donc connaĂźtre Ă la fois les lois de la nature, qui conditionnent l'action, et les lois de la nature de l'homme, qui conditionnent les raisons qui le poussent Ă agir de telle ou telle façon. IILes moyens par lesquels l'homme exerce sa libertĂ© individuelle MĂȘme si l'action humaine s'inscrit dans le cadre des lois de la nature, il est possible de distinguer un aspect de l'action humaine qui sort l'homme de cette condition l'usage de sa raison. Contrairement aux animaux, l'homme possĂšde la capacitĂ© de choisir. Il faut donc interroger ce pouvoir de choix comme libertĂ©. AL'acte gratuit Une premiĂšre façon de dĂ©finir la libertĂ© positivement pourrait ĂȘtre de montrer que l'homme a la possibilitĂ© d'agir juste parce qu'il le dĂ©cide. Contrairement aux animaux dont le comportement semble entiĂšrement dictĂ© par l'instinct, l'homme pourrait agir sans que rien ne l'y pousse. Pouvoir agir sans motivation extĂ©rieure serait une preuve de la libertĂ© humaine. AndrĂ© Gide appelle ce type d'acte un "acte gratuit", c'est-Ă -dire dĂ©sintĂ©ressĂ©, non pas au sens moral du mot, mais parce que cet acte n'est dictĂ© par aucun intĂ©rĂȘt dĂ©fini et n'a pas de motivation . Alors que l'animal est purement narcissique il agit selon ses intĂ©rĂȘts ou au mieux selon ceux de sa famille, qu'il protĂšge instinctivement, l'homme est capable d'avoir des activitĂ©s "dĂ©sintĂ©ressĂ©es" en tous les sens du mot.. Le PromĂ©thĂ©e mal enchaĂźnĂ©, Paris, Ă©d. Gallimard, coll. "Blanche" 1925L'acte gratuit serait donc cet acte rĂ©alisĂ© dans le seul but de prouver notre Les Caves du Vatican de Gide, le personnage principal, Lafcadio, dĂ©cide pour prouver sa libertĂ© de tuer sans motif un vieillard qu'il rencontre dans un train. En effet, tuer ce parfait inconnu sans raison, allant ainsi Ă l'encontre du principe moral qui interdit le meurtre, prouverait sa capacitĂ© Ă s'affranchir de toutes les rĂšgles qui pĂšsent sur lui. Si l'on peut ainsi prouver notre libertĂ©, on peut nĂ©anmoins s'interroger sur la valeur d'une telle forme de libertĂ©. DĂ©finir la libertĂ© comme possibilitĂ© de rĂ©aliser un acte gratuit pose d'abord un problĂšme moral quelle valeur accorder Ă une libertĂ© qui, pour s'Ă©prouver, transgresse toute forme de rĂšgle ? Mais surtout, une telle dĂ©finition de la libertĂ© n'est peut-ĂȘtre pas juste. Ce n'est pas parce que l'on ignore les motifs qui poussent un individu Ă agir que son action est pour autant dĂ©nuĂ©e de tout motif. Pour reprendre l'exemple du personnage de Lafcadio dans Les Caves du Vatican Lafcadio commet un meurtre sans motivation connue de lui, pour se prouver qu'il en est capable on peut montrer qu'il ignore le motif qui le pousse Ă agir la volontĂ© d'agir sans motif. BLe libre arbitre Pour comprendre la libertĂ©, il faut comprendre que nos choix sont rĂ©alisĂ©s en fonction de motifs. On parle alors de libre arbitre. Libre arbitre Le libre arbitre est la capacitĂ© pour un individu de choisir ses actes sans y ĂȘtre contraint par aucune force extĂ©rieure. RenĂ© Descartes introduit l'idĂ©e de degrĂ©s de libertĂ©. Il affirme que si la libertĂ© s'Ă©prouve comme choix, plus les motifs qui conduisent Ă prendre une dĂ©cision sont grands, plus la libertĂ© elle-mĂȘme le sera. Autrement dit, plus la volontĂ© sera dĂ©terminĂ©e Ă dĂ©cider une chose plutĂŽt qu'une autre, plus elle exprimera un haut degrĂ© de libertĂ©. Pour Descartes, la libertĂ© d'indiffĂ©rence est le plus bas degrĂ© de la libertĂ© car le choix n'est motivĂ© par aucune raison rĂ©flĂ©chie. MĂ©ditations mĂ©taphysiques, dans Ćuvres de Descartes, texte Ă©tabli par Victor Cousin, Ă©d. Levrault 1824 Dans ce type de situation, l'usage qu'un individu fait de sa libertĂ© est rĂ©duit, car exercer pleinement sa libertĂ©, c'est au contraire faire un choix Descartes, le pouvoir de la volontĂ© est un pouvoir infini. En ce sens, il est en thĂ©orie possible de choisir de faire l'exact contraire de ce que la raison nous prescrit. Toutefois, si la libertĂ© s'Ă©prouve comme choix, plus les motifs qui conduisent Ă prendre une dĂ©cision seront grands, plus la libertĂ© elle-mĂȘme le sera. Autrement dit, plus la volontĂ© sera dĂ©terminĂ©e Ă dĂ©cider une chose, plus elle exprimera un haut degrĂ© de libertĂ©. Un individu fait un plus grand usage de sa libertĂ© lorsqu'il choisit de faire une action bonne, comme aider une personne ĂągĂ©e Ă traverser la rue, que lorsqu'il choisit de faire quelque chose au hasard, comme tourner Ă droite plutĂŽt qu'Ă gauche au cours d'une promenade. C'est donc lorsque ses choix sont accompagnĂ©s de la connaissance du bien ou de la vĂ©ritĂ© que l'homme fait un plus grand usage de la libertĂ©. Ainsi, pour Descartes, grĂące au libre arbitre, l'homme est cause premiĂšre de ses actions. CL'acte libre Il est possible de dire, avec Henri Bergson, que la libertĂ© comme acte libre est l'adhĂ©sion Ă soi-mĂȘme. L'homme libre est en accord avec lui-mĂȘme et sait ce qu'il veut, par opposition Ă l'homme aliĂ©nĂ© qui ne sait pas ce qu'il veut et ne se reconnaĂźt pas dans ses actes. Pour Bergson, l'acte libre n'est pas nĂ©cessairement celui qui est le plus rĂ©flĂ©chi, ou dont les motifs sont les plus rationnels. Pour lui, l'acte libre exprime quelque chose de plus profond la personnalitĂ© entiĂšre de celui qui agit. Bref, nous sommes libres quand nos actes Ă©manent de notre personnalitĂ© entiĂšre, quand ils l'expriment, quand ils ont avec elle cette indĂ©finissable ressemblance qu'on trouve parfois entre l'Ćuvre et l' sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience, Paris, Ă©d. FĂ©lix AlcanAinsi comprise, la libertĂ© est donc cette capacitĂ© Ă exprimer dans un acte toute notre personnalitĂ©, c'est-Ă -dire ce que nous sommes le plus libertĂ© serait donc l'expression du libre arbitre, s'incarnant dans des choix dont le plus emblĂ©matique serait l'acte libre, c'est-Ă -dire l'expression de notre personnalitĂ©. IIILes moyens par lesquels l'homme exerce sa libertĂ© en sociĂ©tĂ© ALa libertĂ© politique Dans la mesure oĂč l'homme vit en sociĂ©tĂ©, il importe de se poser la question de l'exercice de sa libertĂ© au milieu de ses semblables. En effet, si la libertĂ© est la capacitĂ© de se dĂ©terminer entiĂšrement Ă agir, cette capacitĂ© ne rencontre-t-elle pas comme obstacle la libertĂ© des autres individus ? Ă premiĂšre vue, il semble que la loi, qui impose des droits et des devoirs, soit une entrave Ă la libertĂ© individuelle. Le proverbe "la libertĂ© des uns s'arrĂȘte lĂ oĂč commence celle des autres" illustre bien ce problĂšme pour vivre en sociĂ©tĂ©, il faut poser un certain nombre de limites Ă l'exercice de la libertĂ©. En effet, ce sont les lois qui encadrent et rendent possible la coexistence d'une pluralitĂ© de libertĂ©s individuelles. Si l'on considĂšre que la libertĂ© est la possibilitĂ© d'agir selon la loi, c'est parce que les lois sont en fait la condition de la libertĂ© collective. Il existe plusieurs explications Ă ce constat Il est logiquement impossible de considĂ©rer que la libertĂ© individuelle doit ĂȘtre illimitĂ©e dans le cas oĂč un homme agirait uniquement selon ses dĂ©sirs, alors il dĂ©truirait la libertĂ© individuelle d'autrui. Une libertĂ© infinie annihilerait la libertĂ©. De plus, la loi assure la sĂ©curitĂ© aux hommes car elle limite la libertĂ© de tous c'est le but du contrat social. La sĂ©curitĂ© est la condition de la libertĂ© comment ĂȘtre libre si l'on ne peut pas sortir de chez soi sans risquer sa vie ? Hobbes dĂ©fend cette idĂ©e que les lois rendent possible l'exercice de la libertĂ©. Du citoyen, De Cive, trad. Philippe Crignon, Paris, Ă©d. GF Flammarion 2010En rĂ©sumĂ©, ce n'est que dans l'Ă©tat civil que la libertĂ© peut s'exercer, car son usage est rĂ©glĂ©, contrairement Ă l'Ă©tat de nature, c'est-Ă -dire l'Ă©tat prĂ©-social, oĂč chacun, Ă©tant libre de faire ce qu'il veut, est en mĂȘme temps en perpĂ©tuel danger de mort violente. En outre, Hobbes souligne que si les lois dĂ©finissent un ensemble de choses que nous ne devons pas faire, elles laissent une grande libertĂ© d'action relativement Ă tout ce sur quoi elles ne statuent pas. D'une part, les lois ne s'intĂ©ressent qu'aux actions, les citoyens sont donc libres de penser ce qu'ils veulent. C'est la libertĂ© de conscience. D'autre part, la libertĂ© rĂ©side aussi dans le silence de la loi, c'est-Ă -dire dans les actes auxquels les lois ne s'intĂ©ressent pas, non pas absolument parlant, mais dans la mesure oĂč elles font confiance au libre-arbitre et Ă la responsabilitĂ© des individus pour rĂ©gler des difficultĂ©s d'ordre mineur, ou encore les usages relevant de la morale. Ainsi, les conventions non rĂšglementĂ©es, ou encore les signes de respect ou de politesse ne relĂšvent pas de la loi. Finalement, les lois sont la condition nĂ©cessaire Ă la vie en sociĂ©tĂ©, et la libertĂ© de l'homme se trouve renforcĂ©e par le cadre fixĂ© par les lois. BLa responsabilitĂ© Un autre Ă©lĂ©ment est dĂ©terminant pour penser l'exercice de la libertĂ© en communautĂ© c'est la question de la responsabilitĂ©. En effet, dire que l'homme est libre, mĂȘme si cette libertĂ© s'exerce dans le cadre d'un Ătat rĂ©gi par des lois, signifie qu'il est tenu pour responsable de ses actes. La libertĂ© est donc essentielle pour fonder la responsabilitĂ© morale et pĂ©nale. L'existentialisme de Jean-Paul Sartre est probablement la philosophie qui dĂ©fend la conception de la responsabilitĂ© la plus radicale. Pour comprendre cette conception, il faut en premier lieu insister sur le fait que Sartre pense que l'homme est un ĂȘtre indĂ©terminĂ©. Ce qui dĂ©finit l'homme, c'est d'abord le fait d'exister. Il n'y a donc pas d'autre nature humaine que le fait d'exister et de pouvoir librement choisir sa vie. C'est pourquoi l'existence est premiĂšre par rapport Ă l'essence, c'est-Ă -dire Ă la nature de l'homme, qui n'est que le rĂ©sultat de ce qu'il fait de sa vie. L'existence prĂ©cĂšde l' est un humanisme, Paris, Ăditions Nagel, coll. "PensĂ©es"Ce qui dĂ©finit l'homme, c'est d'abord le fait d'exister. Il n'y a donc pas d'autre nature humaine que le fait d'exister et de pouvoir librement choisir sa vie. C'est pourquoi l'existence est premiĂšre par rapport Ă l'essence, c'est-Ă -dire Ă la nature de l'homme, qui n'est que le rĂ©sultat de ce qu'il fait de sa vie. La libertĂ© humaine est totale et inaliĂ©nable, mais elle comprend des consĂ©quences inĂ©vitables, Ă commencer par la responsabilitĂ©. Cette idĂ©e de la responsabilitĂ©, Sartre l'exprime en disant que l'homme est "condamnĂ© Ă ĂȘtre libre". En effet, c'est parce que sa libertĂ© est entiĂšre que l'homme ne peut justifier ses manquements Ă la morale. L'homme ne se dĂ©finit pas par son essence, ni par un inconscient ni par des dĂ©terminismes ni par un destin ou une volontĂ© divine, mais uniquement par son existence. Il est donc entiĂšrement libre, puisqu'il est dĂ©terminĂ© par ce qu'il fait et non ce qu'il est. C'est pourquoi l'homme est responsable de chacun de ses actes. Ainsi nous n'avons ni derriĂšre nous, ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. Nous sommes seuls, sans excuses. C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamnĂ© Ă ĂȘtre est un humanisme, Paris, Ăditions Nagel, coll. "PensĂ©es"L'homme ne se dĂ©finit pas par son essence, ni par un inconscient ni par des dĂ©terminismes ni par un destin ou une volontĂ© divine, mais uniquement par son existence. Il est donc entiĂšrement libre, puisqu'il est dĂ©terminĂ© par ce qu'il fait et non ce qu'il est. C'est pourquoi l'homme est responsable de chacun de ses actes. CL'indĂ©pendance et l'autonomie 1L'indĂ©pendance la libertĂ© stoĂŻcienne En rĂ©sumĂ©, la libertĂ© peut s'exercer dans le cadre de la collectivitĂ©. On peut toutefois se demander comment un homme qui n'est pas libre dans la sociĂ©tĂ© peut exercer sa libertĂ©. C'est le cas par exemple de l'esclavage. Dans ce type de situation, on peut invoquer la libertĂ© intĂ©rieure, ou indĂ©pendance. L'indĂ©pendance, que dĂ©fendent les stoĂŻciens, est l'idĂ©e selon laquelle l'homme est libre car ses volontĂ©s et reprĂ©sentations ne dĂ©pendent que de lui-mĂȘme. Pour eux, mĂȘme si le monde est rĂ©gi par une stricte nĂ©cessitĂ©, l'homme est libre des reprĂ©sentations qu'il se fait du monde et des jugements qu'il porte sur lui. Pour ĂȘtre heureux, ils prĂ©conisent d'ailleurs de modifier ses dĂ©sirs plutĂŽt que le monde extĂ©rieur. L'homme aurait ainsi une entiĂšre libertĂ© de penser et de vouloir. Ainsi, dans Le Manuel, ĂpictĂšte entend apprendre aux hommes Ă discerner ce qui dĂ©pend d'eux de ce sur quoi ils ne peuvent pas agir. C'est en apprenant Ă faire cette distinction qu'ils apprendront Ă ĂȘtre libres, indĂ©pendamment des circonstances extĂ©rieures. Manuel, trad. Emmanuel Cattin, Paris, GF Flammarion 2015ĂpictĂšte, par ces conseils, entend apprendre aux hommes Ă discerner ce qui dĂ©pend d'eux de ce sur quoi ils ne peuvent pas agir. C'est en apprenant Ă faire cette distinction qu'ils apprendront Ă ĂȘtre libres, indĂ©pendamment des circonstances extĂ©rieures. Ătre libre, selon les stoĂŻciens, reviendrait en fait Ă distinguer ce qui dĂ©pend de nous ou non. Se retrouver entravĂ© Ă cause de quelque chose que l'on reconnaĂźt comme indĂ©pendant de notre volontĂ© n'entache en rien notre libertĂ©. La libertĂ© serait donc l'indĂ©pendance de l'esprit face au monde extĂ©rieur. La faiblesse de cette conception est qu'elle tend Ă accentuer la "libertĂ© de penser" au dĂ©triment de la "libertĂ© d'agir". 2L'autonomie La solution stoĂŻcienne permet de penser une libertĂ© intĂ©rieure indĂ©pendante du monde extĂ©rieur. Mais cette solution n'est pas entiĂšrement satisfaisante, car elle ne permet pas de penser une coĂŻncidence entre la vie en collectivitĂ© et la libertĂ© individuelle. En effet, les lois ne font-elles pas plus que donner un cadre Ă la libertĂ© ? Il faudrait voir que sans loi, il est impossible de parler de libertĂ©, sinon avec le risque de confondre la libertĂ© et la licence, c'est-Ă -dire la capacitĂ© de faire tout ce que l'on veut sans rencontrer de limites. Mais ce terme est pĂ©joratif il comporte l'idĂ©e d'une dĂ©cadence du point de vue moral. Ă l'inverse, si l'on veut comprendre la libertĂ© comme ce qui dĂ©termine l'homme et le rend responsable de ce qu'il est et de ce qu'il fait, il faut alors penser la libertĂ© comme respect de la loi que l'on s'est donnĂ©e. Cette libertĂ© comme respect de la loi que l'on s'est donnĂ©e s'appelle l'autonomie. Autonomie L'autonomie, c'est le fait de se donner Ă soi-mĂȘme sa propre loi, ou de trouver en soi-mĂȘme sa propre loi, Ă l'aide de la raison. L'autonomie peut se comprendre Ă deux niveaux Au niveau moral, l'autonomie consiste Ă respecter la loi morale. Au niveau politique, l'autonomie s'exprime dans le fait que chacun participe Ă l'Ă©laboration des lois. La libertĂ© consiste alors Ă respecter ces lois dĂ©cidĂ©es ensemble. Au niveau moral, l'autonomie signifie que l'homme peut par lui-mĂȘme saisir ce qu'il doit faire il lui suffit de faire usage de sa raison pour comprendre ce qu'il doit faire. Il n'a pas besoin de se rĂ©fĂ©rer Ă une instance extĂ©rieure Ă lui, il ne reçoit pas les rĂšgles de quelqu'un d'autre. Pour Emmanuel Kant, l'homme trouve en lui une idĂ©e immĂ©diate de la loi morale grĂące Ă un certain usage de sa raison. La raison pure est pratique par elle seule et donne Ă l'homme une loi universelle que nous nommons la loi de la mĂ©taphysique des mĆurs, Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, trad. Victor Delbos, Paris, Ă©d. Le Livre de Poche 1993Chaque homme peut donc trouver en lui l'Ă©noncĂ© de la loi morale, en faisant usage de sa est la loi morale qui doit alors guider l'action ? Kant Ă©nonce l'impĂ©ratif catĂ©gorique, un commandement absolu qui doit gouverner chacun de nous. Cet impĂ©ratif repose sur une logique simple le sujet doit se demander s'il souhaite que le principe de son action ou la maxime de son action devienne une loi universelle. Si et seulement si la rĂ©ponse est oui, il s'agit d'un acte uniquement d'aprĂšs la maxime qui fait que tu peux vouloir en mĂȘme temps qu'elle devienne une loi de la mĂ©taphysique des mĆurs, Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, trad. Victor Delbos, Paris, Ă©d. Le Livre de Poche 1993Ainsi, la premiĂšre formulation de la loi morale que propose Kant est donc de toujours se demander si ce qui motive une action pourrait ĂȘtre Ă©rigĂ© en rĂšgle universelle, valable pour tous les hommes. L'impĂ©ratif catĂ©gorique indique Ă l'homme ce qui doit ĂȘtre fait inconditionnellement et sans autre justification. Seules les actions qui suivent ce principe sont morales. On le voit, c'est en trouvant en lui le principe de son action que l'homme peut ĂȘtre libre en agissant selon la loi morale que lui dicte sa raison, il s'arrache ainsi Ă ses penchants naturels et affirme sa libertĂ©. Mais l'autonomie peut aussi se penser au niveau politique. Elle s'incarne alors dans la dĂ©mocratie, par le fait que chacun participe Ă l'Ă©laboration des lois. La libertĂ© consiste alors Ă respecter ces lois dĂ©cidĂ©es ensemble. Jean-Jacques Rousseau a pensĂ© les termes de cette libertĂ© rendue possible par les lois, grĂące au concept de volontĂ© gĂ©nĂ©rale. Du contrat social, Paris, Ă©d. GF Flammarion 2011La seule forme lĂ©gitime de l'obĂ©issance Ă la loi est donc que chaque citoyen en soit en partie l'auteur. Ainsi, se soumettre Ă la loi d'un pays est en mĂȘme temps se soumettre Ă la loi que l'on s'est le cĆur de la libertĂ© politique en obĂ©issant Ă la volontĂ© gĂ©nĂ©rale, chaque citoyen n'obĂ©it qu'Ă lui-mĂȘme. Cette forme de libertĂ© est supĂ©rieure Ă la libertĂ© naturelle, c'est-Ă -dire la possibilitĂ© de faire tout ce que l'on veut, car elle trouve son origine dans la raison et renforce l'autonomie morale, la responsabilitĂ© de l'individu, plutĂŽt que son dĂ©sir.
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